Angela Oduor Lungati

« Quand on parle de l’Afrique, la première chose qui vient à l’esprit, ce n’est jamais l’innovation ou la technologie. Nous voulons changer ça. »

USHAHIDI – une plateforme d’entraide en swahili

Un outil numérique né en Afrique pallie ce manque : Ushahidi (« témoignage », en swahili). Cette plateforme a été créée en quelques jours lors des violences post-électorales en 2008 au Kenya. Une carte alimentée en temps réel permet de savoir ce qui se passe, d’alerter, de localiser ces violences et aussi de s’informer sur la façon de rester en sécurité. Ushahidi s’appuie sur l’information géographique collaborative, ou, en anglais, VGI (« Volunteered Geographical Information »). D’autres organisations se sont lancées sur cette piste de développement sans connaître le même succès que Ushahidi. Facebook a mis en service sa propre procédure de « Safety Check » en 2014, mais elle est instable et ne permet que de dire que « Tout va bien », tout comme « People Finder » lancé par Google en 2010. En France, le ministère de l’Intérieur a lancé une application d’alerte attentat en 2016 mais, face à ses loupés, elle n’aura vécu que deux ans.

l’innovation numérique africaine au service de l’entraide

Mais à la différence de ces plateformes,Ushahidi permet la transmission d’informations par messages sur Internet, mais aussi par SMS. Cela lui offre une plus grande audience, car la plateforme est de ce fait accessible dans les zones sans couverture internet, encore nombreuses en Afrique. Autre avantage : elle ne s’intéresse pas qu’aux grosses catastrophes naturelles ou humaines, mais aussi aux violences plus sporadiques qui sévissent sur le continent.

Angela Oduor Lungati a rejoint Ushahidi en tant que développeuse de programme il y a 10 ans. Aujourd’hui, elle en est la directrice générale de cette plate-forme, qui est devenue une ONG. « Comme cette technologie vient d’Afrique et que cela fonctionne bien sur le continent, alors forcément cette technologie n’a pas besoin de ressources énormes. Elle peut marcher partout », dit-elle en riant. Depuis, la plateforme open source a pris de l’envergure. Elle est utilisée dans 160 pays, traduite en 46 langues et a recueilli au total 50 millions d’alertes : ouragans, tremblements de terre, atteintes aux droits de l’homme, témoignages de violences, corruption, harcèlement. Cette technologie permet à ceux qui sont en situation de crise ou d’urgence de recevoir une aide plus efficace ou de se protéger.

Des projets sur tout le continent

En parlant d’entraide, l’ONG Ushahidi a contribué à d’autres projets comme le développement de hubs sur le continent. On compte aujourd’hui 600 espaces deco-travail, fab lab et incubateurs de projets technologiques dans 51 pays d’Afrique. Ces espaces s’adressent pour l’instant à une population éduquée qui partage les mêmes valeurs, sont un peu geek et ont envie de s’épauler. Mais les promoteurs de ces hubs essaient d’en installer dans les zones rurales du continent.

Lors de cette conférence, il a aussi été question de paiement par téléphone, notamment de M-Pesa qui permet depuis son téléphone de déposer, retirer ou transférer de l’argent, mais aussi de payer des biens et des services. Lancé en 2007, ce service n’est plus aujourd’hui limité au Kenya et à la Tanzanie, mais s’est exporté entre autres en Afghanistan, au Mozambique ou en Égypte. Des conférenciers de Brazzaville devaient venir pour contribuer sur ce sujet, mais ils font partie des participants, comme ceux du Nigeria, qui se sont vu refuser un visa pour entrer aux États-Unis. 

Pour Northup Temple, le directeur de la Valenti School, « ce genre de conférence sur des enjeux mondiaux de communication est rare. Ce sont pourtant des sujets qui méritent vraiment que l’on s’y intéresse ». L’an prochain, la thématique de la conférence est déjà toute trouvée: ce sera autour de la communication sur la santé et les épidémies. Un sujet dont tout le monde parle déjà en ce moment.